"On a beaucoup parlé, ces temps-ci, de « crise de l’art contemporain ». S’il fallait chercher une cause à un certain désenchantement du public, l’une d’entre elles serait sans doute l’exhibition d’œuvres qui ne peuvent se justifier que par un discours. Dans nombre d’écoles d’art, en effet, on apprend davantage aux étudiants à constituer un dossier ou à composer d’abscondes déclarations d’intention qu’à travailler la matière. C’est pourquoi le travail de Franco VITALINO ne peut qu’inspirer l’enthousiasme.
VITALINO est ce qu’on appelait naguère un « autodidacte » (un artiste qui s’est fait lui-même, en quelque sorte). En lui se réalise donc cette rencontre miraculeuse de trois éléments fondamentaux : l’énergie, le regard et le savoir-faire. En matière d’énergie, ce jeune sculpteur est possédé par le désir de se dépasser, d’aller au-delà de l’univers social et intellectuel qui pourrait le limiter, en un mot de forcer le destin. C’est déjà énorme ! Pour ce qui est du regard, VITALINO n’est nullement empêché par tout un corpus de références et d’influences obligées. Il se contente de contempler le monde, et l’art de toutes les époques, avec une sensualité sans préjugés. Mais c’st paradoxalement au plan du savoir-faire qu’il exprime sa véritable force. Voici un sculpteur qui sait travailler la matière ! Matériaux nobles ou matériaux de récupération : tout lui est prétexte à sublimer. En chimie cette opération consiste à faire passer la matière d’un état à un autre (du solide au gazeux, par exemple). Chez l’être humain, la sublimation est le dépassement de l’instinct qui se transforme en idéaux élevés. Chez l’artiste, la sublimation métamorphose les minéraux ou les pigments en beauté. Sous sa main, marbre, bronze, pierres et cristaux livrent leurs secrets. Et VITALINO – dont le patronyme induit, par prédestination, l’énergie vitale – sait aller chercher dans les matières les plus triviales des formes, des figures ou des symboles qui témoignent de son imaginaire : un monde onirique fait d’animaux étranges ou familiers, de visions et de chimères, « cette étoffe dont nos rêves sont faits », pour citer le poète.
Dans le monde des papillons, au terme d’incessantes métamorphoses, l’œuf, après être passé par les stades larvaire et nymphal, atteint finalement la majesté du stade dit « imaginal ». Ainsi la matière brute finit-elle, travaillée par l’artiste, par se métamorphoser en image, sublimée par une vision intérieure. VITALINO, tel un alchimiste, transmute minéraux et métaux en images, traduit les lignes de force de son inconscient en volumes et rythmes… Il donne à ses créations des titres qui évoquent des idées, car l’artiste n’imite pas la nature, il la dépasse, il devient un démiurge qui peut créer son propre univers. L’artiste n’imite pas, il imagine, c’est-à-dire qu’il impose à la matière sa métamorphose finale, il impose au marbre ou au bronze la pure énergie de sa pensée. Il y a, dans chaque sculpture de VITALINO, une torsion et un arrachement qui témoignent de cet effort. Et il faut admirer, sous l’effort du travail, l’infinie légèreté d’un esprit qui s’émancipe des pesanteurs quotidiennes. C’est un don rare que de pouvoir faire rêver les autres par le simple effet de son imagination, mais tel est le cadeau que Franco VITALINO nous offre. Il serait absurde de ne pas l’accepter."
Serge Grünberg, Ecrivain journaliste