sani bouda

conteur (Niger)

Natif d'un petit village, Gigaoua Kirouêye, près de Toda, au Niger, Sani Bouda vit dans le Sahel, à Maradi au Niger.

Il puise dans les racines de sa culture pour apporter aux hommes d’aujourd’hui toute la sagesse des générations précédentes… à laquelle il ajoute la sienne. Sa vie est elle-même une véritable légende et on ne se lasse pas de l’écouter raconter l’histoire de ses scarifications, son enfance, la découverte de la ville, les traditions toujours vivantes…

Longtemps bibliothécaire, il nourrit son répertoire d'histoires collectées par des écrivains nigériens, mais surtout il utilise le conte pour donner aux enfants l'envie de lire.

Elevé par sa grand-mère, la meilleure conteuse du village, il reprend et transmet non seulement les récits anciens, mais aussi la façon traditionnelle de conter, notamment en introduisant le chant.

Ouvert au monde, humain avant tout, il rapporte de ses rencontres et de ses voyages des images, des sons, des lumières qu'il nous fait découvrir.

D’une grande générosité, il fait partager ses convictions, ses doutes, son expérience. Pour lui, le conte a un rôle social : il transmet l’enseignement et les valeurs culturelles. Une personnalité rare et tournée vers l’autre, dont la présence seule est déjà un bienfait.

D’une gestuelle sobre, sans effet superflu, il entraîne son auditoire de toute origine et de tout âge.

 

 

Comment je suis devenu conteur-bibliothécaire :

"Quand j’étais petit, on m’a confié à ma grand mère. Dans mon village, tout le monde racontait des histoires, mais elle, elle racontait mieux que tout le monde : je restais à ses côtés et j’écoutais. Après mes études, je n’ai pas trouvé de travail. J’ai pris le tam tam de mon père et je suis allé sur la place de Maradi. J’ai commencé à raconter les histoires de ma grand mère. Les gens ont écouté, ils ont aimé. Un français passait par là : il s’est approché et a filmé. Il venait d’ouvrir une bibliothèque dans la cour de l’église de la mission catholique : une immense bibliothèque avec 16.000 livres. Mais il n’y avait que 4 inscrits. Ici, les gens sont musulmans à plus de 90% . « Si tu viens raconter des histoires, les gens vont peut être oser entrer», m’a t il dit. J’ai donc apporté mon « espace conte » à côté de la bibliothèque. Avec lui, nous sommes allés dans les écoles : je racontais et il emportait quelques livres. Je disais aux enfants qu’il y avait d’autres histoires dans les livres. Au bout d’un an, on avait 2500 inscrits. Quand il l’a su, mon père a fait 80 km à pieds pour m’ordonner de revenir au village cultiver la terre avec mes frères. Entre temps, j’ai été sélectionné pour participer aux jeux de la francophonie de 2001 au Canada. A mon retour, je lui ai apporté un peu d’argent. Il était surpris qu’on puisse vivre du conte au pays des toubabs oreilles rouges (c’est ainsi qu’on appelle les blancs chez nous). Il a alors accepté que je sois conteur. « Si tu peux manger en racontant des histoires, alors je suis prêt à t’aider : moi-même je vais te raconter des histoires. Puisque tu sais écrire, prends ton cahier et note les». Ce n’est pas facile de se rebeller contre sa famille! Et c’est comme ça que je suis devenu conteur bibliothécaire et que le conte est entré dans les écoles, en même temps que les livres."

Sani Bouda

 

"La parole, quand elle sort, peut être bonne comme elle peut être mauvaise. Le conteur peut blesser la personne. C'est pourquoi il faut qu'il réfléchisse, c'est un métier difficile"

Sani Bouda

 

""Silence, je vais brûler", disait ma grand-mère. Brûler, c'est donner ce qu'on a en soi"

Sani Bouda